Mise au point
De l’imagination de tout écrivain, qu’il soit talentueux ou pas, débutant ou non, accompli ou si peu, fusent des pensées, locutions, néologismes ou autre, dont il ne maîtrise pas toujours la portée et qui ne sont pas toujours de bon gout. On peut les assimiler à des « spasmes verbeux » émanant d’un subconscient émotionnellement surchargé, et la responsabilité de celui qui les véhicule ne peut pas, à ce titre, être mise en cause. Ce sont ce que j’appelle : « les impondérables ». Il faut faire avec !
Refuser de les coucher sur le papier, par peur de heurter les convenances, c’est s’interdire toute quête de vérité.
S’autoriser leur mise en page c’est accepter l’évidence, ils vont alors conditionner le reste du texte qui gagnera ainsi en authenticité.
Chapitre 18
Son mari c’est Ramon ! entendez : « Ramone ». Mais oui, Ramon ! rappelez-vous... « A propos de notre collaboration, souffrez que je n’en souffle mot à mon mari, que ça ne restera qu’entre vous et moi », eh bien ! c’est de lui dont il s’agit. Appelez le Fernando si ça peut vous permettre une meilleure compréhension du texte ça ne me dérange pas. Non ! Pas tout de suite !
Son mari c’est Ramon, digne représentant d’une famille de matadors sauf que lui cela faisait longtemps qu’il ne ramonait plus rien du tout.
Voilà on va l’appeler Fernando.
Son mari c’est Fernando, dernier né d’une génération de matadors tous encornés les uns derrière les autres en défendant la noble cause d’une tradition plusieurs fois séculaire, donc légitime, qu’est la mise à mort d’une vachette par adjonction de fers aiguisés, sous l’œil amusé du peuple souverain avide de sang.
Il a eu plus de chance que ses aïeux en échappant à leurs destins, mais laissons-le nous conter son histoire.
"C’était un jour de juillet 1965, nous étions tous en pleine séance d’entraînement dans une arène annexe à celle de Madrid, un tirage au sort malheureux voulut que je me retrouve juste derrière Juseppé surnommé : « l’Étau » et devant Garcia dit : « Presse-purée »."
Note de l’auteur :
Pour comprendre d’où viennent les sobriquets que se donnent les toreros madrilènes entre-eux, il faut savoir que l’entraînement de ces bourreaux des temps modernes consiste, après s’être parcimonieusement enfilés les uns les autres, à parcourir la circonférence de l’arène sur un rythme saccadé et, sur ordre de l’entraîneur, à se hisser sur la pointe des pieds pour d’un vigoureux coup de rein, essayer d’exploser la rondelle* de son alter ego tout en contractant fortement les fesses afin de tenter de briser le sexe qui le pénètre et tout cela en vociférant un vibrant et tonitruant « Viva Espagna » ; exercice périlleux, s’il en est, et qui demande une certaine appétence aux pratiques sodomites -- d’où la notion de sacerdoce --.
C’est au prix d’un entraînement intensif qu’ils acquièrent ce petit cul rebondi et musculeux -- bandé à l’extrême -- qui fait se pâmer tant de femmes et qui conditionne cet air suffisant ainsi que cette démarche grand-guignolesque bien particulière quand ils entrent dans l’arène.
Vous pouvez continuer Fernando.
"Merci. L’étau c’était la référence, un vrai caïd dans la communauté et je peux vous dire que vous aviez intérêt à être sacrement bien gaulé et à avoir la verge bien en veine si le tirage au sort le faisait vous précéder et de ce coté là, sans me vanter, je n’avais pas à me plaindre, si si je vous assure, seulement Juseppe c’était un véritable concasseur, j’emploie un temps de l’imparfait vous comprendrez pourquoi plus tard, le bruit courrait qu’il était capable de vous réduire une barre d’acier en un tas de limaille de fer, le tout en sifflotant la musique de « Bonne nuit les petits », cela dit ça ne restait qu’une rumeur. Pas longtemps, je peux en témoigner et je peux vous certifier que l’expression : « Tu me la brises menu » prend là tout son sens. Il aura suffit d’un moment d’inattention de ma part, un seul, un « Viva Espagna » mal synchronisé sur mon serrement fessier pour savoir à jamais tous mes espoirs de voir ma potentielle progéniture prendre la relève fondre comme neige dans le creux d’une cuillère à café. Ne pouvant plus assurer les séances d’entraînement je dus troquer mes ballerines et ma combinaison de danseuse d’opérette contre un habit de boucher ainsi que la gérance d’une des nombreuses boucheries attenantes aux arènes de Madrid. Tout se passait à merveille pendant trois ans, jusqu’au jour où je vis, accroché à une esse parmi les taureaux donnés en sacrifice la veille, le corps de mon ami (celui-là même qui me les avait brisés menu) engoncé dans ses habits de tortionnaire, sauf que lui il lui restait encore les oreilles et la queue, bien que dans un piteux état. Je parle de la queue ! On avait l’habitude de s’entraîner ensemble jusqu’à très tard le soir, plus par affinité que pour répondre aux impératifs du métier et de le voir se balancer là pendu par le col me traumatisa à vie. Sitôt les papiers en règle je m’exilai en France pour y ouvrir une boulangerie."
Voilà son histoire ! Celle d’un homme meurtri etc., d’un être blessé dans son amour propre etc.
* (dans le jargon tauromachique on appelle ça « décoller la rosette » par occurrence à la vicomtesse du même nom et dont vous pouvez lire les déboires dans une des poésies didactiques de ce livre -- Honorée du Bocal étant un nom d’emprunt préférez pour la circonstance : Marie-Sophie à la Rosette Décollée ou pour les amoureux des jardins à la française du palais de Versailles : à la Corolle Déposée --)
Je mets en modéré.
Retour dans un nombre de jours non défini. Portez-vous bien !!!
Commentaires
Article profondément injuste vu que l'Espagne n'organise plus de corrida depuis longtemps, C'était simplement que "Viva Espagna" sonne mieux que "Vive la France" et "Ramone" mieux que "Raymond". C'était pour ça !
... ainsi ici.
C'est ainsi que je fermais chez Orange, qu'il en soit fait ainsi. Laporte semble définitivement close, c'est pourquoi ici. Me sauve, départ vacances. Bises à tous.